Le peuple face aux grandes obscénités de cet été

Cliquez sur A\X pour choisir une autre langue
Getting your Trinity Audio player ready...

Il a été un président impopulaire et très controversé, mais il était, faute de mieux, le président d’Haïti. Des mercenaires étrangers sont entrés chez lui, un endroit réputé sacrosaint, et l’ont assassiné avec une violence abjecte. Plus d’un mois après cet acte crapuleux, on n’arrive toujours pas, malgré des arrestations, à identifier clairement les auteurs intellectuels du crime. Pourtant, ils se remuent et font, à travers des tiers, des menaces sur ceux chargés à un titre quelconque du dossier et de l’enquête.

Ceux et celles qui s’en réjouissent, et nous sommes sûrs qu’ils ne se comptent pas uniquement parmi certaines franges des élites du pays, n’ont pas ce petit brin d’orgueil patriotique qui aiguille et pousse à la révolte quand un compatriote, et pas des moindres, devient la victime de rapaces étrangers, et ce, nonobstant les divergences qu’on pourrait avoir avec lui. Ils sont décidément étanches au flux de la dignité nationale.

Nous avons un premier ministre qui, parce qu’il a pu écarter ses grands compétiteurs et dirige en solo, avec bien sûr la bénédiction de ses parrains internationaux, semble ne s’intéresser qu’aux élections. Celles-ci pourtant demeurent le moindre des soucis de la grande majorité des haitiens. Il n’a, jusqu’à présent et publiquement, pas adressé les sujets brulants et préoccupants de l’heure comme:

  1. La puissance des gangs qui pavanent constamment dans les rues de la capitale et ont réussi à isoler le centre-ville de Port-au-Prince de cinq départements du pays,
  2. L’insécurité découlant de cette situation,
  3. le rationnement de l’énergie électrique,
  4. L’inflation galopante qui diminue le pouvoir d’achat de la majorité.
  5. La maitrise de la pandémie.

Navigant ces deux grandes obscénités, le peuple.

Il se retrouve aujourd’hui intoxiqué par la peur, hanté par la mort après tant d’années d’espoirs déçus, de promesses jamais réalisées et d’optimisme foiré. Chaque jour d’ailleurs, il se considère un miraculé, faisant de son mieux pour empêcher ses blessures de s’envenimer, cachant parfois ses mutilations intellectuelles et refusant de parler du cauchemar qu’il vit au quotidien. La majorité de ses enfants n’ont aucun futur serein sur la terre qui les a vus naitre même quand ils ont été préparés pour une carrière lucrative. Alors, ils continuent à se faire une raison pour aller tenter leur chance ailleurs, chez n’importe quel ailleurs. Pourtant, ce peuple refuse d’être un martyr. Très rarement il nourrit une infernale rancune envers la vie. Il ne se fait aucune illusion sur le nouveau gouvernement et continue à se montrer inventif et ingénieux pour pouvoir subvenir à ses besoins immédiats. C’est d’ailleurs cette endurance qui empêche au pays de devenir totalement exsangue.

Faut-il, à ce point, rappeler aux decideurs, aux fomentateurs et profiteurs de la situation chaotique découlant des obscénités de l’heure que le peuple haitien est lui aussi soumis aux limites de l’endurance, malgré sa grande capacité de s’adapter aux situations extrêmes. Après tout, l’obscénité est non seulement répugnante et révoltante, elle érode l’esprit et diminue la force morale. Et un peuple, à la limite de son endurance, avec un esprit érodé, une force morale diminuée et sans guide de surcroit, peut devenir un rouleau compresseur en marche et incontrôlable.

J.A.