…Nous sommes simplement négligents et irresponsables

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Haiti fait face à un autre désastre, et les mêmes arguments sont repris par certains qui veulent nous faire croire que nous sommes maudits. Que notre malédiction remonte au jour où Boukman, cet esclave lettré et révolté conduisit une cérémonie au Bois-Caïman.

A chaque désastre, ils affichent cet air de satisfaction comme pour nous dire : « Voyez! Vous êtes maudits! La nature vient encore de vous le rappeler. » Tout cela parce que nos ancêtres ont osé débuter leur libération de l’infâme joug des maitres, pour la plupart agnostiques, par une cérémonie tendant à frapper l’imagination des esclaves , à les galvaniser et à réchauffer les peu-enthousiastes.

Ces démarcheurs de messages apocalyptiques, ignorant eux-mêmes souvent les préceptes évangéliques, se taisent ou arrivent à une conclusion différente quand les mêmes phénomènes se produisent dans d’autres pays ou régions avec les mêmes images de désolation. Un tremblement de terre, un ouragan qui fait des dégâts en Haiti est un signe de la punition divine, tandis que les mêmes phénomènes produisant à peu près les mêmes effets dans les pays avancés ou dans ceux dont les ressortissants sont de teint différent du nôtre est simplement le résultat d’un sursaut de la nature, le produit des changements climatiques ou est attribué à une cause scientifique quelconque.

Nous sommes conscients que certains phénomènes naturels laissent beaucoup plus de désolations en Haiti que dans d’autres pays plus avancés ou à la tête desquels se trouvent des leaders qui prennent bien au sérieux leurs responsabilités politiques. Souvent, ils sont héritiers d’un système légal et urbanistique bien charpenté et d’un environnement que leurs prédécesseurs ont respecté et qu’ils respectent eux-mêmes et duquel ils prennent bien soin. C’est tout le contraire chez nous. La majorité de nos leaders manquaient et manquent de vision, et ceux qui en avaient, dérangaient. La majorité de nos leaders passent donc au mieux pour des négligents, au pire pour des irresponsables.

Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 et les nombreux ouragans qui ont frappé le pays pendant la dernière décade auraient dû nous pousser à innover nos infrastructures, à voter des lois contenant des codes urbanistiques stricts, à reboiser les mornes, à éduquer le peuple. Des taches qui entrent dans une logique de la recherche du bien commun que nous avons consciemment ignorée. Alors, nous subissons périodiquement les conséquences de cette négligence et de nos irresponsabilités. Et nos détracteurs et les bigots écervelés sortent leur apocalyptique fer rouge pour nous stigmatiser à chaque fois. Aujourd’hui, une fois de plus, nous leur disons haut et fort que nous ne sommes pas maudits. Nous avons été négligents. Soit! Nous nous comportons certes comme des irresponsables.

Pour nous la cérémonie du Bois-Caiman est un fait qui a sa signification historique. À elle seule, elle ne peut faire de nous des maudits, comme les massacres pour la conquête de l’Amérique, les guerres de religion et autres œuvres diaboliques pour maintenir la suprématie de certaines races, des tribus ou pour maintenir les privilèges d’un clan ne peuvent faire des progénitures de ceux responsables de ces crimes des éternels maudits.

Alors, à défaut de solidarité, laissez-nous pleurer et enterrer nos morts!
Laissez-nous panser du mieux que nous pouvons nos blessés!
Laissez-nous entourer de nos affections les familles implorées et les assurer de nos sympathies!

J.A.