Arrêtez, fossoyeurs. Le peuple en a assez!

Texte reçu le 4 février 2012

Dr. Jean L. Théagène

Jean L. theageneVingt-six ans après le 7 Février qui croyait initier : « L’Ère des Lumières » dans les ténèbres historiques, que deux siècles d’événements n’ont pas su dissiper, la Nation Haïtienne se retrouve au point mort. Pis encore, elle est en pleine régression jusqu’à perdre son droit de choisir « les meilleurs d’entre nous » pour nous diriger. S’il fut un temps où les Chefs d’État, les Parlementaires, les Ministres, les Diplomates, les Généraux haïtiens payaient de mine et exhibaient un curriculum vitæ répondant aux attentes de la classe politique, de nos jours, n’importe quel minus peut s’improviser n’importe quoi. L’échelle des valeurs est à proprement parler, renversée de son socle. Et tant qu’elle ne sera pas rétablie et que l’exemple ne viendra pas du haut de la pyramide sociale, le Pays continuera à végéter dans les marigots de l’Histoire.

« Vulnerant omnes, ultima necat ». Ces lignes auront, sans doute, la vertu de faire sourire plus d’un, de soulever l’ironie des autres et même susciter une franche hostilité chez plusieurs. Toujours est-il qu’elles ne pourront pas laisser indifférents ceux qui pour s’être tenus près de la bête, en ont gardé les stigmates originelles ou quelques soubresauts.

Loin de nous, la prétention de faire la leçon à qui que ce soit, surtout pas aux « irrécupérables du primaire à mi-temps des écoles interlopes du pays ». Qui sommes-nous pour prétendre réussir là où le Fils de l’Homme lui-même a échoué en payant de sa vie divine le rachat de ses ouailles terrestres ? Mais nous, qui avons choisi de mourir avec un passeport haïtien dans notre cercueil, l’on ne pourra jamais nous empêcher de mettre en pratique les prescrits de la loi, le respect de la règle, le sentiment du patriotisme, le respect des libertés individuelles, le sens de la tolérance, même quand ses prescrits ont été galvaudés par de soi-disant disciples modernes en instituant « l’ère de la démocratie borgiaque ».

Arrêtez, fossoyeurs ! Arrêtez, politiciens de basses œuvres ! Le peuple n’en peut plus et le pays est lassé de marcher de crises en crises. Déjà au loin, nous entendons le tic-tac de la mise à feu de la bombe sociale. Déjà au loin, le tocsin retentit aux oreilles de sourds comme le « Dies Iræ » des jours de funérailles. Mais, « qui sont donc ces serpents qui sifflent sur nos tête » ? Un Parlement vénal, nationaliste de cinq sous, siège de toute la subversion poivrée du pays, outrepassant à tout instant ses droits et qui n’arrête pas de danser la sarabande parce que ne pouvant faire face à la musique. Il prend ses vessies pour des lanternes et se croit en régime d’assemblée.

Venons-en aux faits : Le Président du Sénat, se voulant très sensible au respect de l’éthique républicaine, pour fustiger les propos grivois mêlés aux comportements déplacés et désobligeants répétés à outrance du Président de la République, ne s’embarrasse d’aucun scrupule pour lui adresser une lettre ouverte (1), ignorant, qu’on ne saurait laver les linges sales d’un pays sur la place publique. N’ayant pas peur du ridicule, il signe Président de l’Assemblée Nationale. Ce n’est pas qu’en lui nous voulions viser le fin lettré. Nous croyons de notre devoir d’attirer son attention sur certaines formes que les puristes contestent et pour cause : Aux Etats-Unis, à partir de 1776, on parle d’assemblée législative nationale ; en France on désigne la Chambre des Députés sous le vocable d’Assemblée Nationale qui, réunie avec le Sénat forme le Parlement Français ; en Haïti, la Chambre des Députés réunie avec le Sénat forme l’Assemblée Nationale et le Président du Sénat joue le rôle de Président du Bureau de la dite Assemblée. En dehors de la réunion de la Chambre des Députés et du Sénat, on ne saurait s’affubler de ce titre.

Cela ne nous empêche point de nous insurger aussi contre les dérapages du Président qui sont autant d’insultes à notre intelligence et à notre moralité. Tant qu’il y aura des hommes à articuler des idées contraires à la morale et au bon sens, tant que ces idées se seront révélées ineptes et outrageuses au regard de la société globale, il nous est fait obligation de les combattre et non de détruire physiquement ceux qui les émettent. C’est à ce niveau que se situe notre combat. Et c’est à cette hauteur de vue qu’il se maintiendra pour que l’Haïtien réapprenne à aimer et à tolérer les différences. Mais entre temps, nous aurons retenu que l’alizé qui tempère nos humeurs peut bien se transformer en mousson qui délave nos pentes de la fureur des eaux tumultueuses qu’elle charrie dans sa course insensée.

Des nuages s’amoncellent à l’horizon des espoirs d’un peuple qui n’en peut plus. Le ciel est donc bien chargé de cumulo-nimbus qui ne présagent d’aucune recette efficiente en termes de secours à une population en proie à toute la purulence incessante des plaies d’Egypte. Dommage que le soleil et le vent tardent encore à chasser ces porteurs de désespérance du sein des péristyles où l’on mitonne des panacées-miracles pour toutes sortes d’affections.

Dr Jean L. Théagène
Miami, le 4 Février 2012

  1. Voir l’Article précédent: « Lettre ouverte au Président de la République son Excellence Monsieur Joseph Michel Martelly« .