La Démocratie dans le Tiers- Monde : L’une des plus grandes impostures de l’Occident

Texte reçu le 8 juin 2011

Par Jean L. Théagène

Au terme de chacune des rencontres du G-8, le groupe des huit pays les plus industrialisés du monde, il s’en est toujours suivi des recommandations et des résolutions dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles restent dans la ligne d’affirmation de l’hégémonisme des grandes puissances du monde.

Sommet du G8 en France, 27 mai 2001
Sommet du G8 en France, 27 mai 2001

À l’initiative du Président de la France, M. Sarkozy, le gouvernement de la planète-terre s’est réuni au courant du mois de Mai dernier où il s’est proposé de redéfinir les concepts traditionnels du PIB, indicateur de croissance économique. Qu’importe le sort des démunis du Tiers-Monde pourvu qu’ils restent à leur place ! On pourra toujours leur concocter un « Nouvel Ordre Mondial » ou leur jeter à l’occasion nos surplus de stocks agrémentés de quelques reliefs de nos tables toutefois que nos caniches repus en auraient dédaigné l’aspect rébarbatif. On pourra toujours leur proposer, sous couvert d’ingérence humanitaire une aide en technologie moyenne. Il ne faut quand même pas leur donner les moyens de concurrencer notre technologie de pointe. Ou encore mettre à leur disposition quelques portions de nos produits excessifs avec l’effet boomerang d’un retour exponentiellement différé des dits profits. La liste des expressions pourrait s’allonger à l’infini.

Voilà un peu les conclusions auxquelles nous conduit notre réflexion sur le nouveau schéma de comportement adopté par l’Occident industrialisé et ses satellites. Il n’est donc plus permis aux ressortissants des petits pays de jouer la carte nationaliste dans leurs tractations avec les grands. Comme il leur est devenu pratiquement impossible d’imposer un quelconque point de vue dans les négociations bi ou multilatérales qu’on engage avec eux. Pour s’être livrés pieds et poings liés aux caprices des pays avancés, ils ont fini par réduire considérablement leur marge de manœuvre jusqu’à aliéner même leur souveraineté, la seule garantie que leur concédait le Droit International.

Rousseau disait dans le temps : « Les peuples, une fois accoutumés à des maîtres, ne sont plus en état de s’en passer ». Le spectacle initié avec le « Cas Haïtien » est en passe de devenir un modèle d’application. À la faveur d’événements historiques malheureux, mais internes, des forces d’occupation d’un grand pays ont fini par créer dans un autre beaucoup plus petit les conditions d’une vassalisation à long terme. Sous prétexte d’accommoder une légitimité individuelle, elles y ont détruit, face aux impératifs collectifs, l’expression la plus achevée de la souveraineté d’un Etat, l’Armée. Leur action d’éclat, leurs exploits comme l’affirment les laudateurs soudoyés du Nouvel Ordre Mondial ont fini par induire un grave complexe de fatalisme et de désespoir dans le cortex cérébral de ceux dont les valeurs culturelles n’ont jamais su évacuer l’acuité des déchirements interindividuels. Et pour cause, les théories ou idéologies auxiliaires : privatisation, ajustement structurel, encadrement humanitaire, droits humains, ONG, zone franche, sont venus s’ajouter au compendium des dispositions issues des rencontres saisonnières entre les Grands de la Planète.

Et c’est sans prendre le temps de consulter les diverses sensibilités d’une nation sur les points essentiels d’une démarche de haute et grave portée historique, que la Communauté Internationale, par ONU interposée, ose aujourd’hui imposer aux collectivités qui se cherchent, des paramètres de développement tout à fait étrangers à leur culture. C’est en partant sur une base encore fausse qu’elle privilégie la légitimité d’une cause par rapport à l’ensemble d’une problématique nationale. Et c’est encore à son corps défendant qu’elle promeut une individualité par rapport à la collectivité. Il arrive souvent que les résultats obtenus ne sont jamais à la mesure de l’attente, au diapason des espoirs suscités

Malheureusement, ce qu’on constate, c’est une persistance diabolique dans l’erreur la plus grossière. Pour imposer à toutes fins utiles, une quelconque démocratie à des Nations, des Etats ou des Peuples qui traînent derrière eux des siècles d’existence, l’Occident, les Etats-Unis en tête, n’hésite pas à employer les moyens les plus violents pour combattre la violence circonscrite de quelques populations. Là où le Continentalisme ne joue pas, on fait intervenir les organisations internationales rompues à ce genre de pratique. Hier, en Somalie, les forces d’occupation ont lamentablement échoué devant la détermination du Général Haïjid et des autres secteurs. En Irak, hier encore, avant que Saddam se soit laissé prendre dans un trou à rats, à un certain moment on n’avait enregistré qu’une victoire à la Pyrrhus, face à un Hussein drapé dans une tunique d’Hannibal. En Bosnie, on n’avait pu qu’observer une trêve fragile entre des antagonismes qui continuent à parler, soixante ans après la débâcle de l’Allemagne Hitlérienne, d’épuration raciale.

Mais dans l’arrière- cour des USA, continentalisme oblige, les réactions sont plus directes. La Grenade avec ses mille morts et Panama avec ses trente-sept mille tués en ont fait l’amère expérience. Et aujourd’hui, c’est Haïti qui, vingt –cinq ans durant, affronte les vents contraires, brassant sauvagement les énergies de quelques nationalistes attardés auxquels d’injustes reproches sont adressés par les tenants d’une philosophie bâtarde du pouvoir et leurs prosélytes ignares. Avec son habitude des précédents historiques tant dans les Sagas les plus immortelles que dans les forfaitures les plus innommables, Haïti a vécu à l’heure des Césarismes dégradants après avoir connu l’ère des caporalismes sanglants. Drôle de destin pour un peuple qui devrait méditer le mot de Fustel de Coulanges : « Le véritable patriotisme n’est pas l’amour du sol, c’est l’amour du passé, c’est le respect pour les générations qui nous ont précédées ».

Mais le nationalisme, le patriotisme : tout meurt, tout est bien mort du jour où le monde est devenu un village global. Seule survit, la grande imposture de l’Occident : cette greffe douloureuse de la Démocratie importée dans un corps social qu’on n’a pas pris le temps de préparer pour une telle intervention chirurgicale. Comprendra qui pourra !

Jean L. Théagène
Miami, le 8 Juin 2011