Faire mieux que simplement survivre

Avec les premières minutes de l’année 2021, nous sommes bien conscients que l’année 2020 fait désormais partie de l’histoire. Mais cette année marquera, pour un long temps, la majorité de notre génération, parce qu’elle nous a forcés, par son côté douloureusement tragique, de changer drastiquement notre vie sociale, de repenser notre vie professionnelle et notre approche à l’apprentissage et à l’éducation.

Nous aimerions bien la reléguer non pas dans le coin de l’histoire, mais dans les bas-fonds de l’oubli, et nous avons des millions de raisons pour caresser, même un instant, une telle idée. Deux millions de personnes, victimes du COVID, n’ont pas eu notre chance, celle de respirer sans le moindre halètement au dernier coup de minuit. Des millions de familles, à travers le monde, essaient encore de se faire une raison du vide laissé par des parents emportés par ce mal. Et l’année débute avec, de notre part, cette grande inquiétude que ce dernier continuera à terrasser malgré le développement rapide de vaccins et la campagne de vaccination déjà en cours dans certains pays.

Nous débutons donc l’année plus inquiets que les autres jours de l’an. Cette inquiétude ne doit pourtant pas obnubiler complètement notre optimisme. Et nous pouvons avoir, chacun de nous, de multiples raisons pour être optimisme et de tout faire pour ne pas simplement survivre; car si l’année qui vient de se terminer nous a appris de rester toujours sur nos gardes et de ne pas trop se complaire dans la situation que nous vivons même quand nous pensons ses assises solides, elle a exposé notre résilience, l’ingéniosité de plusieurs d’entre nous. C’est vrai qu’à côté du Covid qui nous a tous bouleversés, nous avons assisté, avec une pointe d’incrédulité, à l’agressive tentative de saper certains systèmes politiques qui font l’envie de ceux qui ne peuvent en jouir, la fierté de ceux chargés de les protéger, la joie et un sens de sécurité de ceux qui en bénéficient. Nous avions également vécu des moments de tranchantes répudiations des démarches de ceux qui essayaient de faire passer leurs intérêts avant celui de la collectivité.

Aux États-Unis, par exemple, nous avons vu un président abdiquer son rôle de leader du monde, créer la confusion en alimentant des théories parfois fantaisistes, trop souvent dangereuses quand il ne se moqua pas ouvertement des institutions, des concitoyens respectables chargés de sauvegarder leurs grandes valeurs, et finalement susciter chez ses partisans la méfiance dans le système démocratique et électoral de son pays.

En Haiti, à la situation insurrectionnelle persistante qui remonte à l’année 2018, l’étau de l’insécurité s’est resserré à un point tel que personne, quelque soit sa classe, sa position professionnelle, sa situation financière ne se trouve à l’abri. Les élections qui s’annoncent cette année et la possible publication d’une nouvelle constitution pourraient finalement être le coup de grâce sur un pays exsangue, et affirmer la consolidation des pouvoirs de cette élite corrompue.

En ce premier janvier, la grande majorité des Haïtiens vivent dans l’angoisse de ne pas savoir de quoi demain sera fait, ni quelle sera la situation politique dans les mois à venir. Elle est fatiguée des contestations des années passées qui pourtant avaient montré, quoique superficiellement, sa volonté de se réapproprier son destin et sa dignité. En ce jour, son seul désir, c’est de survivre, de ne pas être l’unième victime de l’insécurité et de profiter de la première opportunité de laisser le pays.

A cette majorité, nous souhaitons en ce nouvel an une bien meilleure année. Qu’elle ne se contente pas simplement de survivre, mais qu’elle arrive à vivre décemment, et même prospérer sur cette terre, legs des ancêtres et des preux de 1804.

À cette minorité qui se croit tout permis et sur les démarches desquelles nous ne nous faisons pas de grandes illusions, nous souhaitons malgré tout une bonne année, avec l’espoir qu’elle sera marquée par un changement de cœur, l’affûtage de son sens patriotique et le désir de voir cette terre, qui est également la sienne, retrouver la paix.

Aux bandes armées qui sèment la mort, qu’ils se rendent comptent qu’ils ne sont que des pions jetables dans ce jeu macabre commandité par les élites et la communauté internationale. Qu’ils se reprennent en abandonnant la pratique de violence et en rejetant la culture de la mort qu’elles ont embrassée jusqu’à présent.

Aux autorités religieuses légitimes des églises chrétiennes, qu’ils continuent de se laisser guider par l »Évangile de Jésus-Christ qui nous fait découvrir l’amour de Dieu pour ses fils et filles, et comme pasteurs attitrés qu’ils continuent de veiller sur les troupeaux qui leur sont confiés et contribuer à leur salut.

Aux responsables de la religion tutélaire, qu’ils ne perdent pas de vue le côté de libération de cette croyance et travaillent pour le bien-être de leurs ouailles en les aisant à se libérer des tares qui empêchent leur développement intégral.

À ceux et celles aux corps usés par le travail sans rémunération, ceux et celles sur le regard desquels se lisent à la fois la désolation et une colère froide, nous les invitons à continuer à se battre.

À nos collaborateurs,  à ceux qui ont partagé avec nous leurs publications ou celles de leur institutions, aux visiteurs de Haiti-Référence, à ceux qui nous ont supporté financièrement, notre profonde gratitude. Nous aussi, nous essayerons de faire mieux que survivre et de rester à la hauteur de leur attentes.

A tous et à toutes, nos voeux d’une BIEN MEILLEURE ANNÉE 2021.

Haiti-Référence
1er janvier 2021