Un an plus tard, en Haïti

Texte reçu le 27 février 2011

Par Pierre Bélanger, S.J.
Rien n’est simple ni facile en Haïti, depuis longtemps déjà. Après les souffrances qu’une bonne partie de la population de Port-au-Prince et même du pays entier a dû endurer suite au tremblement de terre de janvier 2010, après une crise du choléra aggravée par une situation sanitaire généralement déficiente, la tenue des élections de novembre dernier a créé une nouvelle instabilité et de la violence. Que dire? Que faire? Doit-on se décourager de voir poindre la lumière au bout de ce long tunnel? Je vous offre deux réflexions fondées sur la foi et l’espérance qu’offre notre vision chrétienne du monde et des sociétés.

En premier lieu, je veux m’inscrire en faux contre tous ces prophètes de malheur et ces « gérants d’estrade » qui, bien assis dans leur fauteuil rembourré devant la télé, affirment qu’il ne se fait rien de bon en Haïti. Ces gens proclament que l’argent investi pour secourir les sinistrés du tremblement de terre ne s’est pas rendu aux personnes dans le besoin; ils disent que rien ne se construit, que les travailleurs et volontaires des ONG pensent d’abord à leurs intérêts. Je réponds avec toute la force de ma voix : tout cela est faux!

Nous, les jésuites, avons rapidement mis en œuvre des mesures à moyen et à long terme pour qu’un grand nombre d’Haïtiens profitent des dons qui nous avaient été faits. Les équipes de Foi et Joie et du Service jésuite des réfugiés ont travaillé nuit et jour pour améliorer les conditions d’éducation de beaucoup d’enfants, pour répondre aux besoins humains et spirituels des déplacés de sept camps de Port-au-Prince. Plus largement, les ressources de la Compagnie de Jésus universelle sont déployées grâce à la solidarité des jésuites de toutes les parties du monde. Oui, avec les moyens que nous avons, nous faisons tout ce qui est humainement possible pour aider.

Les ONG font aussi du bon travail. Le CECI, par exemple, une organisation de développement international canadienne fondée par un jésuite il y a plus de 50 ans, a répondu en quelques jours à l’épidémie de choléra avec un programme d’urgence et de sensibilisation des populations de l’Artibonite et du Nord. Malgré des conditions de travail toujours difficiles et des infrastructures déficientes, les équipes du CECI comme de bien d’autres ONG posent les bases d’une reconstruction qui prendra des années; elles le font sans se laisser miner par le découragement et les ragots qu’on colporte contre elles à l’étranger. Oui, il se fait du bien en Haïti : la tâche est immense, mais la bonne volonté et l’engagement concret de beaucoup de gens gardent les lampes de l’espérance allumées.

Un deuxième point mérite notre réflexion. Si l’on cherche à comprendre plus à fond la situation haïtienne, on s’aperçoit vite que les causes de nombreux problèmes résident dans la pauvreté et dans les inégalités sociales. La pauvreté engendre bien des maux : manque d’éducation, manque de sensibilisation aux dangers de l’insalubrité, malnutrition, surpopulation, et j’en passe. Les inégalités sociales, une société dans laquelle quelques riches détiennent les ressources – et bien souvent les rennes du pouvoir – poussent les pauvres au bout de leur patience : la violence éclate, la démocratie est écrasée, les petits souffrent plus encore.

Depuis que le P. Pedro Arrupe a dirigé la Compagnie de Jésus dans les années 70, les jésuites ont lutté pour la justice sociale. Ils ont affirmé que la promotion de la justice était essentielle pour que la foi puisse véritablement porter ses fruits. Dans le travail de nos jésuites en Haïti actuellement, ces dimensions de foi et de justice sont intimement liées. En soutenant l’action de notre communauté là-bas, vous soutenez des engagements au service d’une société plus juste, fondée sur l’héritage et le message que nous a laissés Jésus.

Pierre Bélanger, S.J.