17 octobre 1806: Un jour maudit

207 ans depuis l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines. Celui qui voulait à tout prix que les biens hérités des colons soient partagés équitablement entre tous qui ont souffert de l’esclavage, de la tyrannie, de l’oppression et du racisme tomba sous les balles assassines de soldats à la solde d’Alexandre Pétion et de Gérin.

Son assassinat suivi d’actes odieux sur son cadavre révéla la perfidie de ceux qui, à contrecœur s’étaient ralliés à la cause des anciens esclaves, mais voulaient au fonds être reconnus comme citoyens à part entière de la République née en 1789. Ils n’avaient d’ailleurs jamais accepté l’autorité de ce chef noir, illettré et, de surcroît, un ennemi implacable durant la guerre civile de 1799-1800. Ce dernier devait être éliminé. Les fomentateurs du Sud leur offrirent donc l’occasion rêvé pour lui attirer dans le guet-apens du Pont Rouge.

Depuis cet assassinat, une atmosphère de suspicion règne dans le pays. Les bâtards des anciens colons voulant être les seul bénéficiaires de l’indépendance essayèrent par tous les moyens de maintenir les enfants des importés d’Afrique dans une condition semblable à celle qui avaient poussé ces derniers à se révolter en se suicidant, en abandonnant les plantations pour s’adonner au marronnage et finalement en prenant les armes sous la conduite de leaders fougueux pour réclamer leurs droits à une existence décente. Le Code rural du président Jean-Pierre Boyer, le manque d’attention accordé à l’éducation des masses, le non respect des libertés individuelles de la majorité, le recours aux ressortissants étrangers pour résoudre des conflits internes, l’acceptation de la mise sous tutelle de notre souveraineté s’inscrivent dans ce plan.

La nation haïtienne déjà vacillante par peur d’un retour des colons et un embargo imposé par les pays qui vivaient du fruit de l’esclavage cessa d’exister le jour de cet odieux assassinat. Les haines, les jalousies enfouies le temps de combattre l’ennemi commun refont surface. La majorité des loyaux de l’Empereur sont emprisonnés pour être ensuite exécutés. C’est le cas de Boisrond Tonnerre, l’auteur de l’Acte de l’Indépendance. Des pièges sont tendus à ceux qui, comme Henri Christophe, affichent une position prudente. Enfin, la nouvelle nation se scinda. A l’assassinat physique, succède donc un assassinat politique et psychologique systématique.

Les ennemis d’hier revinrent immédiatement à la charge et imposèrent leur volonté, pire ils nous font payer au prix fort notre audacieuse bravoure. Les harcèlements des nations fortes devinrent des faits courants, des harcèlements assortis d’humiliations et qui montrèrent le caractère sadique des diplomates en poste qui approuvèrent la perfidie de leurs pairs, ou des résidents étrangers cupides qui alimentent les insurrections pour leurs propres profits.

207 ans après, nous restons cette nation divisée, incapable de se prendre en mains parce qu’incapable de réhabiliter totalement Dessalines et lui donner la place qu’il mérite dans notre histoire, dans nos démarches politiques, dans nos relations diplomatiques. Les mesures prises en ce sens depuis 1845 n’ont jamais atteint cet objectif parce trop timides.

Et ainsi nous continuons de payer au prix fort notre indépendance, assistons impuissants à la décimation de nos plus vulnérables.

J.A.
16 octobre 2013