Mgr Ligondé, figure emblématique d’une société

Mgr François Ligondé, archevêque émérite de Port-au-Prince, décédé ce lundi 8 avril 2013,se retrouvait malgré lui au centre d’une guerre larvée générée par la passion morbide des opposants au régime de Duvalier. Prononcées d’abord en huis-clos, les dénonciations devinrent publiques dans les années 70 et s’intensifièrent à la suite du mariage du président Jean-Claude Duvalier et de la divorcée Michèle Bennett. Ces opposants ne lui pardonnaient jamais d’avoir accepté de célébrer ces noces, et d’avoir surtout publié auparavant une lettre pastorale démontrant la nullité canonique du précédent mariage de la future première dame.

Les prêtres de son archidiocèse, quant à eux, voulaient le voir s’impliquer dans un mouvement de théologie inspiré du marxisme et venant de l’Amérique du Sud. Des ressentiments à son encontre, ils en nourrissaient et guettaient la première occasion pour révéler leur » New York Times. 3 avril 1986).

Le vrai danger vint cependant en 1991, à la suite de l’élection à la présidence de Jean-Bertrand Aristide. Il devint la cible des partisans de ce dernier qui interprétait un de ces sermons comme une attaque directe contre l’élu de décembre 1990, et un refus d’accepter les résultats des élections. Après le coup d’état raté de Roger Lafontant, le 7 janvier 1991, une foule en furie et criant vengeance se mit à sa recherche. Il dut alors se réfugier à l’étranger.

Il ne fut pas non plus épargné par le gouvernement de Jean-Claude Duvalier. Par exemple, les inconditionnels du régime lui attribuaient en 1982 la paternité d’une lettre pastorale très critique envers le régime et publiée par la Conférence Épiscopale d’Haïti dont il fut alors le président. Jean Magloire, le directeur du Nouveau-Monde, un organe de propagande du régime, dans un éditorial essaya de le vilipender l’accusant de vouloir entrer dans la bataille sans les armes adéquates. « Monseyè a ap antre nan batay sans baton » écrivait-il avec une pointe de raillerie.

Figure emblématique d’une société qui se complaît dans la division et qui refuse d’accepter ses errements, il le resta jusque dans sa mort. L’annonce laconique de l’Archevêché de Port-au-Prince annonçant, ce lundi, son décès en dit peut-être long.

Quant à nous, pour l’avoir rencontré plusieurs fois en dehors des travers politiques, nous voulons, tout en nous découvrant avec respect devant sa dépouille, nous rappeler de sa simplicité et de sa retenue.

J.A.