Les dindons d’une farce macabre

Texte reçu le 29 janvier 2011

« Lorsque la victoire prostituée, éhontée s’agenouille aux pieds du dieu, celui-ci, est toujours trop épuisé, trop endurci, trop aigri, perclus de rhumatismes et de rancœur, pour jouir de ses faveurs. »

Jean Baptiste Cinéas

Par Jean L. Théagène

Jean L. theageneLa politique a ceci de particulier qu’elle se révèle souvent une mante religieuse prête à dévorer ceux ou celles qu’elle a gâtés pendant un certain temps. Mais cela n’a jamais empêché les politiciens de s’y adonner à cœur joie sans souci des lendemains qui déchantent ou font déchanter. Elle annonce toujours la couleur sans imposer la peinture finale à l’admiration des spectateurs avides de sensations fortes. L’essentiel pour ceux qui œuvrent dans ce domaine d’activités est de faire preuve de sagacité dans leurs décisions et leurs choix. L’essentiel aussi consiste dans la capacité de se limiter dans l’exercice d’un pouvoir dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas toujours bien défini quand il ne débouche pas tout simplement sur un « no man’s land ».

Dans un de nos derniers textes : « Haïti, une histoire d’échec de la Communauté Internationale », nous avons souligné à l’attention de nos lecteurs que l’interventionnisme gratuit ou non justifié est devenu un mode de vie pour les Etats plus ou moins puissants ; que le devoir d’ingérence s’est transformé en une culture qui ne pousse que dans les terreaux de l’arrogance construisant par ainsi la base d’un système qui tente de justifier les rapports de domination à l’échelle du système-monde. L’application de cette théorie se manifeste brutalement autant au Moyen-Orient qu’en Asie, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes où un petit pays jadis indépendant et souverain de la taille d’Haïti se voit forcé, par les contraintes de l’histoire, à une espèce d’extinction programmée. Sous couvert d’assistance humanitaire ou sous le fallacieux prétexte de la Défense des droits de l’homme, l’Internationale a pris possession d’Haïti avec ses forces militaires et ses techniciens d’ONG en profitant des faiblesses du pays et de l’incompétence de ses dirigeants. La suite, c’est l’histoire de cette dérive qui a transformé Haïti, notre pays, en Etat inclassable, champion toutes catégories de l’autodestruction et de l’égotisme le plus mal placé.

Il y a à peine onze ans, le monde entier vibrait au diapason des attentes du troisième millénaire. De Times Square aux Champs Elysées, de la Concorde à toutes les places de la révolution dans le monde, on a célébré dans l’allégresse et l’espoir, l’avènement du 21ème siècle. A voir l’amplitude de la participation humaine, à constater l’enthousiasme des hésitants du Tiers-Monde, on était en droit de croire que ce siècle sinon ce millénaire n’avait d’autre choix que d’apporter à la planète-terre tout ce qu’elle espérait pour façonner le bonheur de ses habitants. En un mot, c’était l’occasion pour l’humain de rompre avec l’humanoïde qui gît en chacun de nous et de renouer avec ses caractéristiques naturelles qui, tant soit peu, témoignent d’un certain équilibre dans le dosage du comportement général. Malheureusement, les fruits n’ont pas dépassé la promesse des fleurs, la pollinisation n’étant pas bonne. Et de partout, un peu dans tous les coins du globe, des conflits éclatent, tandis que d’autres couvent sous la cendre de l’indifférence et du mépris, attendant le moment opportun pour faire leur contingent de victimes innocentes et leur lot de profiteurs toujours à l’affût des malheurs collectifs.

A la limite, notre histoire à nous ressemble à un ramassis d’actes plus déplorables les uns que les autres. Quand nous n’offrons pas en spectacle une mosaïque de crimes gratuits ou un patchwork d’erreurs grossières répétées à satiété jusqu’à l’écœurement, c’est toute une exubérance d’actes délictueux posés par de médiocres cabotins nationaux et internationaux pour appâter ou épater quelques galeries ou auditoires de sous-doués qui finissent par se demander s’il est vrai qu’un tel peuple a pu faire 1804. Alors face à cette diplomatie de la canonnière au désarroi de notre pays, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi Haïti gravit cet interminable calvaire, Tour de Babel renversée de triste mémoire biblique qui pointe indubitablement vers le bas. Comment un peuple hier si fier peut-il se complaire dans un tel magma nauséeux que l’étranger aura pourtant l’audace de nommer Histoire. Somme toute, l’histoire est une succession d’événements tantôt heureux, tantôt malheureux qui marquent la vie d’un peuple qui s’en inspire pour aller toujours de l’avant, les yeux rivés sur les vastes horizons du progrès et du développement. A l’échelle humaine, elle vacille entre le zéro de l’imperfection et l’infini de la grandeur, de la solidarité, de la générosité.

Voilà où l’on en est aujourd’hui après la mascarade électorale du 28 Novembre à se poser béatement la question par le comportement répétitif de l’Internationale, leurs propos sibyllins et insidieux qui nous reviennent au visage comme un crachat d’enfant gâté dont la croissance aussi bien physique que mentale s’est arrêtée à deux ans. Pour mieux renforcer la dépendance du pays, égarer tout un peuple, après que le CEP sans scrupule ait prononcé des résultats sur un scrutin entaché de fraudes, des experts de l’OEA se mettent à valider ces élections frauduleuses loin de les annuler. Décidément, ces paladins de la bêtise et de l’immoralité obscurcissent la conscience publique par leurs diktats. Diktats conduisant tout droit aux portes de l’enfer de la déchéance un pays de Cocagne, hier ardemment courtisé par les puissances coloniales, aujourd’hui, la risée, grâce à une situation d’indignité induite par la charité et la morgue internationales. Et comme un galopin, un gavroche ou un petit voyou qu’on prend plaisir à tabasser pour le faire rentrer dans les rangs, ces gueulards tonitruants mais insignifiants dont les décibels insistants indisposent les bien pensants haïtiens qui comme eux dînent au grand air en écoutant Mozart ou Chopin, ces faux géants ne font qu’abuser de leur puissance sur un pays atteint de nanisme obligé parce que mort avant même la naissance.

Pour flétrir une fois de plus, une fois de trop, notre fierté légendaire, dans cet océan de lâcheté, l’institution suprême en matière électorale, le CEP de Dorsainville, d’Opont, de Mme Chérubin, ne disposant d’aucune branche à laquelle s’accrocher pour leur survie, toute fierté bue, s’enroule comme une pieuvre mourante autour de la décision supra-étatique offrant l’aspect d’une prévention nourricière ou d’un sauvetage à court-terme. Pour une triste option de vie dans une immoralité et une indignité tous azimuts, c’en est une. Sublimer ou disparaitre n’est plus de mise pour ce beau monde irrespectueux des exigences de l’histoire. Personne n’est disposée à faire des miracles de bravoure et de courage , quoique convaincue de la justesse de leur cause. De l’épopée haïtienne, en définitive, ces pages doivent être arrachées par tous ceux qui envisagent de récupérer un pays en état de décomposition avancée.

Alors, à quelle vertu nous accrocher aujourd’hui quand tout s’en va à-vau-l’eau et que la simple moralité s’empresse de foutre le camp ? Faut-il être totalement stupide, totalement analphabète ou simplement frappé de cécité mentale pour se croire autorisé à se moquer inlassablement et impunément d’un peuple et d’un pays ? Mais tôt ou tard, les politiciens ou hommes d’Etat décadents se retrouveront confrontés à payer la facture de leurs caprices et de leur monstruosité. Et cela, en grosses coupures. Aujourd’hui, qu’un ramassis d’aveugles et d’inconscients tentent de monnayer à rabais la souveraineté nationale, qu’une légion d’amblyopes, à défaut d’une avancée à tâtons, se permettent d’imposer à toute une race d’hommes verticaux, les vomissures de leurs organes de ruminants en putréfaction, espèce de marche à reculons dans une course internationale au modernisme trimillénaire, il ne reste que les portions saines de la population : la jeunesse, les citoyens non encore corrompus, les artistes et les intellectuels intraitables pour sauter le bunker de virus qui gangrène le corps social haïtien et imposer de nouveaux gênes et de nouveaux chromosomes à une rédemption en perspective. Une génétique sociale revue et corrigée. Tel demeure, en définitive, l’objectif principal que la collectivité doit coûte que coûte atteindre. Cependant, dans le cas d’une entente obligée ou d’une tutelle imposée, seule la vérité est immuable en elle-même ; elle seule survit à tout. Mais elle change de demeures comme de formes et ses révélations sont intermittentes nous dit Edouard Schuré

Jean L. Théagène