Au nom de la patrie…

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Une vue de la capitale le 7 octobre 2019
© AP Photo / Rebecca Blackwell

A chaque grande crise due à l’augmentation de la misère ou à une politique d’humiliation et qui force le peuple à sortir de sa torpeur, nous nous disons toujours qu’Haïti, notre chère patrie, a atteint le fonds du puits, et que ses fils et filles n’ont que deux solutions: la laisser patauger où elle se trouve ou alors l’aider à retourner à la surface.

Et vint alors une autre crise, souvent plus aiguë, qui nous fait alors comprendre que ce nous avions cru être le fonds du puits n’en est qu’une strate. Le pire, c’est que, jusqu’à la prochaine crise, nous n’avions aucune idée de la décrépitude des strates inférieures.

Nous voudrions, par ce texte et en qualité de simple citoyen, attirer l’attention de nos compatriotes sur l’existence de ces strates. Nous nous adressons d’abord à ceux et celles qui se trouvent aujourd’hui au timon des affaires, ensuite aux compatriotes qui pensent que, sous leur leadership, la situation s’améliorerait, à ceux et celles qui s’arment du bouclier mis à leur disposition par la communauté internationale et qui “ap voye wòch, kache men”, et, pour finir, à nos frères et sœurs qui pensent que la destruction des biens et des vies demeure le seul moyen de se faire entendre. Il est temps, grand temps pour eux, pour nous, de « penser patrie » et de travailler sérieusement à son relèvement.

Certes, nous sommes tous, sans exception, mécontents de la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui notre pays. Le peuple surtout, la grande victime, essaie de faire ce qu’il peut pour garder la tête hors de l’eau boueuse du fonds du puits. Devant les actes d’un gouvernement qui continue à détruire ce qui lui reste de pouvoir d’achat, donc d’estime de soi, il réagit. Pour toute réponse, le gouvernement se contenta de poser une bandelette sur ce qui apparait être une plaie puante en renvoyant un chef de la primature, et tout récemment, en réduisant le nombre de ministres titulaires, ou en distribuant des produits alimentaires et quelques fournitures scolaires.

Ne pouvant plus endurer les humiliations, il continue à manifester son mécontentement, et à chaque manifestation l’écart entre lui et le pouvoir dont la légitimité s’effrite de plus en plus s’élargit.

Nous sommes donc arrivés à ce niveau où un président décrié, et pour causes, s’entête et ne veut pas prendre la décision qui s’impose, une opposition endurcie mais pas tout à fait prête à assurer la relève, comme ce fut le cas en 1986 et 2004, et une communauté internationale qui, une fois de plus, manifeste son hypocrisie, en appliquant pour ce qui concerne l’Haïti d’aujourd’hui, la politique de « deux poids, deux mesures »; en témoigne la déclaration d’un de ses porte-paroles, le sénateur de l’État de la Floride, Marco Rubio.

« Pour ce qui concerne les Haïtiens, je continuerai à les supporter pour qu’il y ait chez eux une démocratie, des élections et un état de droit. Le choix de leurs dirigeants dépend du processus qu’ils ont eux-mêmes mis en place et qu’ils gèrent… Ce n’est pas notre rôle de déterminer qui doit partir et qui doit rester. »

[Traduction de Haiti-Référence]*.

Nous vivons une crise aux multiples facettes qui peut, si elle dure au-delà de ce mois, précipiter le pays à un niveau bien inférieur que celui où il se trouve aujourd’hui. Il est encore temps d’éviter le chambardement en travaillant pour le bien de la patrie commune, et non pour nos propres intérêts, en arrivant à un pacte. Faisons de son relèvement notre ultime priorité, et s’il faut nous sacrifier, faisons sans amertume le sacrifice au nom de cette terre que Dessalines, Christophe et les preux de 1804 nous ont léguée, la seule d’ailleurs qui est vraiment nôtre, nonobstant notre lieu de résidence et la citoyenneté acquise.

J.A.

  • “My interest in Haiti has always been that it has democracy and elections and rule of law and I will continue to support it in those endeavors. Who they choose as their leader is up to the processes that they run internally. We don’t have a role to play in who resigns and who stays on.”

    Charles, Jacqueline. « Rubio on Calls for Haitian President to Resign: ‘We Are Not Going to Interfere.’ », Miami Herald, 7 Oct. 2019, [www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article235875707.html]. Visiter le 8 octobre 2018.