La souillure de nos dates les plus sacrées

Ces deux dernières décades, il est devenu presqu’une malsaine habitude de souiller les dates les plus sacrées de notre histoire en organisant, ces jours-là, des manifestations qui finissent toujours par se dégénérer laissant la place aux débordements, aux gaz lacrymogènes, aux pneus usagés enflammés et quelquefois à des corps gisant sur les trottoirs.

Qu’on se rappelle de la manifestation organisée par le Groupe 184 le 18 novembre 2003. Ses leaders se présentaient se présentaient alors comme le « de facto » opposition au gouvernement Aristide /Neptune.

Onze ans plus tard, deux manifestations avaient été organisées durant nos dates sacrées, pour dénoncer la « mauvaise gestion » de l’équipe Martelly/Lamothe. La première, le 17 octobre, jour de commémoration de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, et la deuxième, le 18 novembre, date de la victoire décisive dans la marche de nos aïeux vers l’Indépendance.

Cette année encore, des manifestations avaient été organisées un peu partout dans le pays, le mercredi 17 octobre; journée durant laquelle, les Haïtiens de tous les credos politiques auraient dû prendre un certain recul, réfléchir sur ce qu’est devenu notre espace socio-politique et envisager des solutions pour améliorer ce patrimoine pour lequel notre fondateur a versé son sang au Pont-Rouge, parce que refusant de partager la notion du partage inéquitable entre les Haïtiens, tel que prôné par les gens de l’Ouest.

Comme on aurait dû s’en attendre, cette manifestation a traîné une marée de citoyens à Port-au-Prince a connu des moments de dérapage. Elle laissa, d’après un bilan non-officiel, quatre morts et des dizaines de blessés, sans parler de la perturbation de la cérémonie de commémoration.

Des musiciens et autres particpants se mettant à l’abri
© REUTERS/Andres Martinez Casares

Qui donc a provoqué les heurts et les dérapages?

Les policiers qui avaient reçu, quelques jours auparavant la visite du chef de l’État et qui, probablement avaient reçu des consignes sans équivoque?

Certains manifestants qui avaient créé, par une attitude belligérante, une atmosphère de violence et d’hostilité envers les policiers et ceux qui participaient, à côté des officiels du gouvernement à la cérémonie de commémoration?

Y aurait-il des bavures de deux côtés?

Nous aimerions bien lire un rapport crédible qui répondrait à ces questions. Mais Haïti étant Haïti, aucun document ne viendrait faire la lumière sur ce qui s’est passé ce mercredi 17 octobre 2018.

Pour le moment, nous refusons d’écouter les explications des uns et des autres et blâmons les deux camps.

  • Les manifestants qui voudraient nous faire croire qu’ils ont été provoqués.
  • Les forces de l’ordre qui, probablement, criminalisera tous les manifestants pour pouvoir donner une légitimité à l’usage de la force.

La violence quand elle est exercée au su et au vu de tous dans une société, devient un symptôme de dysfonctionnement. Ce 17 octobre, cette violence afficha clairement un nos nombreux échecs, celui dû à une absence de rationalité institutionnelle et à un manque de contenance politique qui aurait donc permis d’éviter les dérives, les casses et les quatre morts inutiles. Pire, elle montre que nous, Haïtiens et Haïtiens, nous continuons à nous complaire dans cet espace coagulé par une amnésie historique et civique.

J.A.