7340.- La Diaspora haitienne

Classification Géographie et tourisme

 

Le citoyen Haïtien est présent sur presque tous les continents, mais sa présence, en tant que communauté ayant un impact dans le pays d’accueil, n’est visible que dans trois grandes régions du globe: Les Antilles, l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, la France. Son émigration fait partie de ces histoires d’exodes économique (être en mesure de prendre soin de sa famille ou se créer un futur moins ténébreux) ou politique (se mettre à l’abri des persécutions, menaces ou poursuites).

Présence dans les Antilles:


L’émigration massive des Haïtiens remonte au début du XXè siècle et fut liée à l’expansion de l’industrie sucrière à Cuba et dans le pays voisin. Embauchés comme travailleurs saisonniers, certains compatriotes, au lieu de prendre le chemin du retour à la fin de la saison sucrière, préférèrent rester dans les pays d’embauche.

La présence illégale de ces Haïtiens en République Dominicaine servit de prétexte au dictateur Rafaël Trujillo pour aiguiser un nationalisme opaque chez ses compatriotes et alimenter du coup le sentiment anti-haïtien jusque-là latent dans ce pays. La campagne qui accompagna cette manœuvre déboucha sur un massacre au mois d’octobre 1937. Malgré l’inhospitalité des Dominicains et leur anti-Haïtien visqueux, nos compatriotes continuèrent à se rendre dans ce pays, comme travailleurs saisonniers avec souvent la complicité de notre propre gouvernement.

Récemment, ils sont légions ceux et celles qui ont choisi de poursuivre des études supérieures dans les centres universitaires de ce pays.

De la seconde moitié du XXe siècle, une nouvelle vague d’émigration débuta. Cette fois, les Haïtiens prirent la direction des États-Unis et du Canada, et plus tard des Bahamas, des Petites Antilles et de l’Amérique du Sud.

En 2019, l’Organisation internationale des migrations estimait la présence des Haïtiens aux Bahamas à plus de 50,000, environ un quart de la population de ces îlots. Ils sont généralement employés dans l’industrie de la construction, ou comme domestiques. Leur vie n’est pas tout à fait enviable. Ces Haïtiens, qui viennent surtout du Nord-Ouest, pour fuir la misère, ont choisi de risquer leur vie sur des embarcations de fortune, ou en payant des passeurs sans scrupules pour se rendre aux Bahamas. Quand ils sont interceptés par les autorités de l’immigration bahaméennes, ils sont simplement refoulés.

L’émigration dans les petites Antilles débuta dans les années 1970. Comme celle vers la République Dominicaine et les Bahamas, le motif demeure sans conteste d’ordre économique. Les communautés haïtiennes sont visibles à la Martinique, en Guadeloupe et à Saint Martin. Ces sociétés ne sont pas des plus accueillantes et la situation de la majorité des Haïtiens est souvent menacée et fragile.

Présence en Amérique du Nord:


Les premiers immigrants Haïtiens de l’Amérique du Nord se recrutèrent parmi les membres de l’élite intellectuelle et professionnelle cherchant une vie meilleure ou fuyant la répression politique. Leur éducation aidant, les difficultés de communication et d’insertion étaient vite surmontée. Toutefois dans les années 1970 et au début des années 1980, l’émigration vers cette région prit une dimension plurielle, grave au programme de parrainage des parents immédiats. Des Haïtiens de toutes les couches sociales se sont alors installés dans les grands centres métropolitains de l’Amérique plus spécialement à New York et ses environs, à Miami, à Boston et à Montréal, au Québec.

Jusqu’en 1972, un grand nombre de ces émigrés suivaient le processus légal qui débouchait sur l’obtention d’un visa d’entrée dans le pays choisi. Mais à partir de cette date, avec une intensification en 1981 et, en 1991, après le coup d’état contre le président Jean-Bertrand Aristide, un mouvement migratoire connu sous le nom de “boat people” se développa. La majorité de ces émigrés aventuriers n’arriva jamais à destination. Ils étaient broyés par les eaux, et, quand interceptés dans les eaux internationales, remis aux autorités haïtiennes. Ceux qui arrivaient à fouler le sol américain étaient souvent enfermés dans des centres de détention avant de connaitre leur sort.

Après le séisme du 12 janvier 2010, Haïti connait une nouvelle vague migratoire qui ressemble beaucoup plus à une fuite de ses fils et filles ou à une admission de leur impuissance face à la détérioration d’un pays qui ne leur offrait vraiment rien. Un programme de parrainage mis en place par le Canada permit à des centaines d’Haïtiens ayant un dossier en attente de rejoindre leurs parents résidant légalement dans ce pays. Les États-Unis adoptèrent, pour une brève période, un programme similaire. Le gouvernement américain, par exemple, réduisit la longue période d’attente des bénéficiaires d’une demande de résidence basée sur la loi de réunion des familles.

Comme tous les noirs de l’Amérique du Nord, les émigrés Haïtiens nonobstant leur niveau d’éducation, leur statut social et économique, sont affectés par la discrimination dans les milieux de travail, de logement et d’éducation. Pourtant, ils sont légions à avoir réussi au niveau de l’intégration, et par une certaine imposition dans le milieu culturel et social. Des médecins américains d’origine haïtienne, ayant bien réussi, nous pouvons les compter par milliers aux États-Unis. Les écrivains et les artistes Haïtiens portent haut notre étendard au Canada. Aujourd’hui, un membre de cette diaspora est membre de L’Académie française. Une autre a été gouverneure générale du Canada et secrétaire de la Francophonie. Plusieurs s’impliquent activement dans la politique aux États-Unis et occupent des postes électives. On compte également plusieurs organisations professionnelles et de services dans ces pays. Certaines intégrèrent la Fédération Haïtienne de la Diaspora, créée en 2010.

Projetant une image rayonnante contre ceux qui s’amusent à décrier le pays, les émigrés Haïtiens jouissent d’un certain respect quoique certains malintentionnés hésitent encore à les identifier par leur lieu d’origine ou celui de leurs parents.

Nouvelle vague d’émigration en Amérique du Sud:


A la fin de la première décade du XXIe siècle l’Amérique du Sud s’est transformée en un nouveau pôle d’attraction pour les Haïtiens. Le but n’avait pas changé. Qu’ils empruntent la voie régulière ou illégale,  ce furent surtout des jeunes adultes qui émigraient vers ces nouvelles contrées. Symboles d’une société défaillante, ils étaient à la recherche de meilleures conditions de vie.

Les flux de migrants Haïtiens au Brésil, au Chili et, dans une moindre mesure, en Argentine augmenta considérablement en raison surtout de la grave crise humanitaire qu’éprouvait le pays après le séisme du 12 janvier 2010. Selon les chiffres officiels, le nombre de ressortissants Haïtiens à s’établir au Brésil après le séisme du 12 janvier 2010 passa de 35 à environ 70 000. Ainsi se développa une diaspora haïtienne importante et organisée dans le pays.

La stabilité politique du Chili et la bonne santé économique du pays attiraient les Haïtiens . Le pays n’était pourtant pas habitué à recevoir un tel flux d’immigrés. Les Haïtiens pouvaient alors s’y rendre sans un visa. Mais en 2018, le gouvernement les obligea à s’en munir pour être admis dans le pays et avoir ensuite accès à un permis de travail.

Au début, le flux provoqua une certaine méfiance dans ces pays. Les médias relayèrent cette méfiance en comparant l’arrivée des Haïtiens à une invasion. Plus tard cependant, malgré les actes racistes et xénophobes de certains, les expatriés Haïtiens bénéficièrent, dans ces trois pays, d’un niveau acceptable d’accès à certains droits sociaux. Comme les expatriés avant eux, ils essayèrent tant bien que mal de supporter financièrement les parents restés en Haiti. Avec leurs transferts, ils sont devenus eux aussi une grande source de revenue pour le pays.

Perception de la Diaspora en Haiti:


La grande majorité de la diaspora haïtienne entretient de très bons rapports avec le pays et beaucoup d’entre eux aimeraient y retourner pour jouir de leur temps de retraite si on leur offrait un minimum de sécurité.

Les compatriotes d’Haïti eux ont une perception ambiguë de la diaspora. Considérée comme un prolongement du pays, d’où l’appellation de “Dixième département” avant la création du département des Nippes en 2003, et la création du « Ministère des Haïtiens Vivant à l’Étranger (MHAVE) » en 1994. A travers les transferts d’argent qui atteignent souvent plus d’un quart du Produit intérieur brut (PIB) du pays, elle continue de participer activement dans sa vie économique. Pour certains, ils sont des sauveurs sur lesquels on peut toujours compter pour toute urgence. Pour d’autres, une simple vache à lait. L’économie haïtienne est toutefois dépendante de ce flux de transferts utiles pour les dépenses relatives au domaines suivants:

    • Scolarisation des enfants et des jeunes de la fondamentale à l’université ;
    • Création de petites et moyennes entreprises ;
    • Développement de l’agriculture et de l’élevage ;
    • Acquisition des biens de consommation des ménages ;
    • Acquisition de biens immobiliers.

En plus, malgré la distance, les compatriotes Haïtiens vivant à l’étranger sont et demeurent des contribuables qui, depuis 2011, renflouent les caisses de l’État à travers un prélèvements sur les transferts et les appels internationaux devant servir au financement de l’éducation (Fonds National de l’Éducation).

Pourtant malgré cette contribution à l’amélioration des conditions de vie de bon nombre de compatriotes résidant en Haïti, l’élite et la classe politique continuent à lui donner une fin de non-recevoir quand il s’agit de sa participation à la vie politique du pays. Quoique la double-nationalité ait été reconnue, les défis à relever sont nombreux. Le simple acte de voter se révèle un de ces défis; le vote à l’étranger demeurant un droit qu’elle attend depuis longtemps. Ces mêmes élites lui reprochent souvent de ne pas investir dans le pays sans toutefois créer les conditions favorables à de tels investissements.

  1. D’Haïti au Québec : Quelques parcours de femmes. Montréal, Québec : CIDIHCA, [2016].
  2. La migration haïtienne vers le Brésil : Caractéristiques, opportunités et enjeux. Cahiers Migratoires N°6 (Juillet 2014).
  3. Bien-Aimé, Wilner. Peut-on devenir Québécois?  Récit autobiographique. Montréal : Carte blanche, 2006.
  4. Dominique, Max. Haitians in the Bahamas face a new wave of massive deportations. Geneva, Switzerland : Secretariat for Migration, Division of Inter-Church Aid, Refugee, and World Service, World Council of Churches, 1985.
  5. Jackson, Regine O. Geographies of the Haitian Diaspora. New York : Routledge, 2011.
  6. Lawyers Committee for Human Rights (U.S.). Refugee refoulement : the forced return of Haitians under the U.S.-Haitian interdiction agreement. New York, NY : Lawyers Committee for Human Rights, 1990.
  7. Laguerre, Michel S. Diaspora, politics, and globalization. New York : Palgrave Macmillan, 2006.
  8. Louis, Bertin M. My soul is in Haiti : Protestantism in the Haitian diaspora of the Bahamas. New York : New York University Press, 2016.
  9. Manigat, Max. Cap-Haïtien : Excursions dans le temps : voix Capoises de la diaspora. Coconut Creek, Fla. : Educa Vision, Inc., 2008.
  10. Marshall, Dawn I. « The Haitian problem » : illegal migration to the Bahamas. Kingston, Jamaica : Institute of Social and Economic Research, University of the West Indies, 1979.
  11. Mills, Sean. A place in the sun : Haiti, Haitians, and the remaking of Quebec. Montreal ; Kingston : McGill-Queen’s University Press, 2016.
  12. Pamphile, Léon Dénius. Haitians and African Americans : a heritage of tragedy and hope. Gainesville : University Press of Florida, 2008.
  13. Pierre- Samuel. Ces Québécois venus d’Haïti : contribution de la communauté haïtienne à l’édification du Québec moderne. Montréal : Presses internationales Polytechnique, 2007.
  14. Rivera, Raquel Rosario. La presencia haitiana en Puerto Rico, siglo XIX (1791-1850). San Juan, Puerto Rico : Dra. Raquel Rosario Rivera, 2015.

article-footer-nav

Date de création: 9 septembre 2015
Date de révision : 23 décembre 2023 à 11:47