Repaire de menteurs?

Récemment un ami avec qui je discutais des dernières nouvelles me lance « L’homme ment. Et même les plus vertueux mentent. Le mensonge se documente aussi loin qu’on peut remonter dans l’histoire. »

Alors j’ai essayé de remonter dans l’histoire; et n’ai pu aller au-delà de cet épisode de la Bible.

« Où est ton frère Abel? » demande le Créateur à Caïn. Ce dernier répondit:
« Je ne sais pas ; suis-je le gardien de mon frère ? » (Livre de la Genèse 4,9. Bible de Jérusalem).

Il venait juste de commettre un meurtre sur la personne de ce jeune frère ; et il a menti de façon éhontée à Celui qui fut à l’origine de tout et qui « scrute les cœurs et sonde les reins pour rendre à chacun selon ses œuvres » (Livre de Jérémie 17,10, Bible de Jérusalem).

Plus tard, sous la plume du psalmiste, le Créateur et Dieu de la Vérité aura lancé ce tranchant avertissement : « Point de demeure en ma maison pour le faiseur de tromperie; le diseur de mensonges ne tient pas devant mes yeux » (Psaume 101,7. Bible de Jérusalem).

Comment définir alors et simplement le mensonge malgré toutes ses nombreuses subtilités?

Saint Augustin, penseur et théologien, nous dit que mentir c’est « penser une chose en son âme et en exprimer une autre par des paroles ou par des signes » (De mendacio, chap 2. Oeuvres complète. Tome 22. Paris: Edition Vivès, 1890, p. 4.)

Alors, j’ai dû bien admettre, que depuis ce premier mensonge, l’homme n’a cessé de mentir ou d’exprimer le contraire de ce qu’il pense par des paroles ou par des signes, faisant du mensonge un fait banal, comme déclare cet ami.

  • Il ment pour se protéger ou pour protéger les siens.
  • Il ment pour ne pas prendre ou pour fuir ses responsabilités.
  • Il ment pour se dissimuler et projeter une image fictionnelle ou idéaliste de soi.
  • Il ment aux autres pour obtenir d’eux quelque chose ou pour se venger.
  • Certains mentent par plaisir sans trop se soucier des conséquences.
  • D’autres mentent par esprit de compétition.
  • Il y en a qui mentent pour venir en aide à autrui. Hilaire de Poitiers, Père et docteur de l’Église, évêque de Poitiers vers le milieu du IVe siècle, cite en exemple le « mensonge fait à un assassin pour le détourner de sa victime »; ce qui, admet-il, est acceptable (Tractatus in psalmos 14, 10).
  • Pour d’autres cependant, mentir trahit une condition pathologique extrêmement dangereuse.

En passant en revue quelques grands menteurs de l’histoire, je me suis rendu compte qu’ils se recrutent dans tous les champs, et même parmi ceux qui pratiquent des activités intellectuelles extrêmement rigoureuses ou se disent accepter des codes découlant de la morale des religions monothéistes. Mais il est un champ où, pour réussir, il faut bien avoir le don de dissimuler ses vraies intentions, parler en demi-vérités, tordre la vérité par la manipulation des données et statistiques, exagérer les résultats de ses démarches.

Ce n’est pas un secret: le politicien, est par définition, un menteur et bien souvent, on ferme un œil sur certaines de ses dissimulations ou les écoute avec une moue ou un sourire amusé quand il tamise la vérité. Mais on se révoltera, quand il nous prend pour des imbéciles et nous ment effrontément.

De nos jours, malheureusement, le discours politique semble devenir uniquement un tissu de mensonges, de ces mensonges dits simplement pour entraîner l’adhésion ou assagir ses partisans. Ces types de mensonges sont souvent pris très au sérieux par ces derniers. Pire, utilisant une dialectique populiste, le fourbe politicien s’évertue à attaquer, parfois violemment, ceux et celles qui embrassent des professions qui les obligent à décanter les discours, à démasquer les faussetés, pour ne pas être obligé de s’expliquer ou perdre la face. Il les affuble de tous les noms et peut même faire d’eux les cibles de violentes attaques de quelques écervelés supporteurs; et ce avec l’aide des réseaux sociaux devenus de plus en des instruments de propagande totalitaire et des outils de harcèlement social et politique. En fin de compte, son but ultime c’est de supprimer la possibilité de rechercher et de trouver la vérité dans ses dires, de séparer le bon grain de l’ivraie.

L’histoire regorge de ces genres de politiciens.

De Néron, empereur romain, qui trouva dans l’incendie de Rome un prétexte pour persécuter les chrétiens à nos élites contemporaines qui, pour mieux asseoir leur mainmise sur l’économie haïtienne, ont répandu pendant ces trente dernières années les mensonges les plus vulgaires sur ceux jugés un danger pour leur clan.

Entre Néron et nos élites aujourd’hui, on retrouva:

  • Hitler, cet homme d’état Allemand, qui, pour annihiler les juifs, utilisa le mensonge et toute une armée de fanatiques  dont des jeunes versés, après maints lavages de cerveau, dans la démagogie pour porter tout un peuple à accepter sa « solution finale »,
  • nos premiers hommes d’État, surtout ceux de l’Ouest et du Sud,
  • et les néo-populistes des pays occidentaux.

Tous ont eu des fidèles qu’on ne peut pas toujours qualifier d’ignorants. Tous ont utilisé une dialectique faite de slogans, d’expressions populistes. Tous ont saccagé des vies humaines quand ils n’ont pas contribué simplement à leur perte. Tous ont affiché cette arrogance qui bafoue.

Heureusement que les menteurs, qu’ils soient des politiciens, de la classe des affaires, de l’élite intellectuelle ou pratiquent une autre profession, finissent bien souvent par être démasqués et l’histoire ne les a jamais pardonnés. Malheureusement, pour la majorité de leurs victimes, il est souvent trop tard.

J.A.