18 Novembre 2008: Et la trahison se perpétue…

Monument de vertières
Le monument érigé à Vertières près du Cap-Haitien
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Photo d’archives
18 novembre 1803 : la bataille décisive devant nous conduire à l’indépendance eut lieu dans cette région du département du Nord située à seulement deux ou trois kilomètres de l’entrée de la ville du Cap-Haïtien. Les officiers indigènes se sont alors jurés de vivre libres ou de mourir sur un sol qui désormais leur appartenait et qu’ils léguèrent fièrement à leurs descendants. Ce serment a été repris chaque année lors de la célébration de l’indépendance et ce, jusqu’à l’infamie de 1825(1). Antoine Dupré (1782 – 1816), le premier poète haïtien en date, l’immortalisa dans ces vers :

« Si quelque jour sur tes rives
réapparaissent nos tyrans
que leurs hordes fugitives
servent d’engrais à nos champs. » (2)

L’aspect légal de ce serment se retrouve dans les premières constitutions qui interdisaient aux blancs de devenir propriétaires en Haiti, donc maîtres(3).

Héritiers des aïeux de 1804, nous avons dilapidés cet acquis en prenant des décisions irresponsables et compromettantes. Citons-en les deux plus criantes :

  • Nous avons fait appel à une force internationale composée de pays qui ont été à l’avant-garde de l’embargo punitif de l’après indépendance, ou de nations avec un dossier sur le respect des droits humains plutôt ignoble.(4)
  • Nous avons confié notre politique alimentaire à des nations et des organisations qui n’ont nullement à coeur le bien-être social et économique de notre peuple, et dont les priorités surtout s’avèrent différentes des nôtres.

Nous sommes ainsi devenus un peuple tellement dépendant des contingences de l’aide internationale qu’il nous est impossible de préparer un budget définitif au commencement de l’année fiscale (5).

On peut ne pas vouloir l’admettre, mais Haïti est une nation virtuellement sous tutelle., ouverte non seulement aux pénétrations étrangères mais aussi et surtout aux manipulations de toutes sortes. Il n’est pas étonnant que nous nous mettions aujourd’hui beaucoup plus à l’écoute de certains diplomates que de nos propres dirigeants sachant que les décisions de ces derniers ne sont qu’un reflet de leur adhésion, quoique parfois réticente, à un plan venant d’ailleurs. D’où la trahison de l’esprit qui animait les aïeux avant, pendant et après la fameuse journée du 18 novembre 1803.

On comprend bien alors la gêne de nos dirigeants, des élites si tonitruantes quand il s’agit de défendre leurs acquis et leur relative discrétion le 18 novembre 2008 dernier, jour de la célébration de la Bataille de Vertières et dédié à nos forces armées.

J.A.

  1. En 1825, le roi français Charles X, à travers une ordonnance, se dit disposé à accepter notre indépendance en échange du versement d’une somme de 150 millions de francs. [ Voir : Texte de l’Ordonnance]
  2. « Hymne à la liberté ». in Berrou, Raphaël et Pompilus, Pradel. Histoire de la littérature haïtienne : illustrée par les textes. Tome I. Port-au-Prince : Éditions Caraïbes, c1975; pp. 21-22.]
  3. Voir par exemples: La Constitution Impériale de 1805, art. 12; La Constitution Républicaine de 1806, art. 27.
  4. Minustah: Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, force internationale déployée en Haiti depuis le 1er juin 2004.
    Pays fournissant des effectifs militaires : Argentine (545), Bolivie (215), Brésil (1.194), Canada (4), Chili (539), Croatie (3), Equateur (66), États-Unis d’Amérique (3), France (2), Guatemala (114), Jordanie (747), Népal (1096), Pakistan (1), Paraguay (31), Pérou (204), Philippines (155), Sri Lanka (949) et Uruguay (1.157).
    Pays fournissant des agents de police civile : Argentine, Benin, Brésil, Burkina Faso, Caméroun, Canada, Chili, Chine, Colombie, Côte d’Ivoire, Croatie, Congo, Egypte, El Salvador, Espagne, Etats-Unis d’Amérique, France, Grenade, la Grenade, Guinée, Italie, Jordanie, Madagascar, Mali, Népal, Niger, Nigeria, Pakistan, Philippines, République Centre Africaine, Roumanie, Sénégal, Serbie, Sri Lanka, Tchad, Togo, Turquie, Uruguay, Yémen.
    (Sources: Nations-Unies . Minustah : Faits et Chiffres Mise à jour: 7 Août 2008 [http://www.minustah.org/pages/Faits-et-Chiffres] date d’accès: 25 novembre 2008)
  5. Pour lancer leurs sites Web, certains ministères et même le parlement ont dû faire appel au support de certaines agences internationales:
    .- Site du ministère de la justice créé avec avec le support du PNUD de l’ACDI [ Agence Canadienne de Développement International]
    .- Site du parlement conçu avec le support et l’assistance technique du Programme d’appui au Parlement haitien de l’USAID