CEH: Message des Evêques d’Haïti au Peuple Haïtien à la Veille de 2004

Jesus pleura sur Jérusalem et dit: « Si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui peut te donner la paix! Mais hélas, cela est resté caché à tes yeux.»
(Lc 19,42)

1. Nous, Evêques d’Haïti, réunis en Conférence sous la mouvance de l’Esprit-Saint, nous avons pris le temps de réfléchir sur la façon dont nous exerçons notre minisitère dans l’Eglise de Jésus-Christ. Nous avons aussi consacré un moment pour nous interroger sur la marche du pays et nous demander où va donc la Nation Haïtienne ?

2. Lors de notre dernier message de Novembre 2002, nous comparions le pays à un bateau qui va à la dérive. Nous faisions alors au Gouvernement trois propositions, afin d’épargner ce naufrage.
Mais rien n’a été fait de ce que nous avions dit.

3. En Septembre dernier, nous avons encore une fois élevé la voix pour demander aux filles et aux fils de la Nation, quels que soient leurs choix politiques ou idéologiques, de ne pas persister dans cette voie d’entredéchirement et d’auto-destrusction, mais de s’unir pour construire le pays. De Septembre à nos jours, la situation s’est empirée. Le pays s’enlise dans la confusion et la division, et s’embourbe de plus en plus. Nous avons chez nous la tendance à détruire. Il faut bien le reconnaître. Mais nous ne devons pas la suivre. Il vaut mieux nous accorder pour reconstruire notre Nation et lui redonner vie. Voilà pourquoi nous avons demandé dans notre message du 26 Septembre dernier qu’il y ait COMPROMIS ET CONCESSION, entre tous : pouvoir, partis politiques et organisations sociales. Nous exprimions notre inquiétude sur la remise en place du CEP en vue des Elections et la façon dont on se prépare à faire face au « Vide Institutionnel » qui arrivera en Janvier 2004. Malheureusement, on n’a pas fait cas de nos suggestions de Pasteurs. En dépit de tout, nous ne nous décourageons pas, parce que « l’Eglise est mère et éducatrice.» Elle est patiente.

4. En effet, une fois de plus, nous sommes réunis en Conférence pour assumer nos responsabilités, comme Evêques en Haïti. Dans cette circonstance notre regard se tourne vers l’avenir du pays, comme nous le faisons toujours.

5. Certains evénements récents, comme : ce qui s’est passé à la Cathédrale de Port-au-Prince le 16 Octobre 2003, au Champ-de-Mars le 14 Novembre 2003, sans oublier les événements du Cap-Haïtien, des Gonaïves, de Saint Marc, de Petit-Goâve, de Cité Soleil et aussi ce qui se passe au niveau du système pénitentier et judiciaire. De plus, d’après ce que nous avons vu et entendu dans divers coins du pays, nous constatons, avec beaucoup de tristesse, que le pays fait fausse route. D’aucuns disent que c’est déjà la dictature, avec son cortège de lutte de classes, basée sur un faux préjugé de couleur dépassé de longue date, que nous croyions irréversible.

6. Nous demandons, de grâce, à tous les enfants de la Chère Patrie Commune, quels que soient leur rôle et leurs responsabilités, de ne pas s’aventurer sur la route de la dictature, de la démagogie et du préjugé de couleur. C’est un chemin de destruction, de division, de violence, de souffrance et de mort. N’oubliez pas que nous sommes un seul Peuple, une seule Nation, héritiers de la même épopée de Vertières.

7. Pour épargner cette catastrophe au pays, nous revenons aux propositions que nous avons déjà faites, à savoir : que le chemin à prendre pour juguler la crise devrait être celui des élections. Mais, pour ce faire, il faut consentir d’immenses efforts pour établir partout et vraiment la sécurité et la confiance. Aussi, demandons-nous au Gouvernement :

a. Que cessent d’abord les activités du CEP actuel et ensuite que soit annulé tout ce qui pourrait entraver la marche du C E P Consensuel.
b. Que soient opérées des réformes en profondeur dans le Gouvernement, après dialogue et entente avec d’autres secteurs.
c. Que soient opérées de sérieuses réformes dans l’Institution Policière et dans les Cadres Supérieurs, sur lesquels pèsent de lourdes suspicions.
d. Que le Chef de l’Etat mette sur pied, au terme du mandat du Parlement en Janvier 2004,
un Conseil de neuf (9) membres, issus des différents secteurs devant désigner leur membre au CEP Consensuel.

8. Dans la même foulée, nous demandons à l’Opposition :

a. De revenir sur sa position et de s’engager pour les Elections.
b. D’envoyer son Représentant au CEP
c. Qu’elle veuille bien désigner un Membre à l’éventuel Coonseil qui devrait entourer le Chef de l’Etat.

9. Au seuil de l’Année 2004, à moins d’un mois et demi de la célébration de notre Indépendance, nous souhaitons qu’il y ait un vrai compromis. Sachant que le compromis n’est ni compromission, ni complicité, ni lâcheté, ni démission de ses idéaux, mais invitation à rentrer dans la logique du renoncement à ses intérêts particuliers, au bénéfice des intérêts collectifs; dans la dynamique de l’entente et du dialogue, où il n’y aura ni perdant ni gagnant. Cela veut dire : mettre l’intétérêt du pays au-dessus de toute chose, nous rappelant que c’est un Compromis qui a fait 1804. Pourquoi ne devrait-on pas ré-éditer ce Compromis pour réaliser 2004 ?

10. Par conséquent, arrêtons-nous de nous entre-déchirer. Apprenons à vivre en frères et soeurs, enfants d’une même Nation. L’heure est venue de laisser derrière nous ce passé déchirant. Osons
nous donner la main pour célébrer notre Indépendance.

11. Nous espérons être écoutés, cette fois-ci.

12. Nous sommes conscients des efforts consentis par la Communauté Internationale, dans cette crise. Nous demandons à la Communauté Internationale :

a. De nous écouter, elle aussi
b. De mieux définir sa position

13. Que Marie, que nous invoquons sous le vocable de Notre Dame du Perpétuel Secours, à qui notre pays, indépendant depuis 200 ans, a été consacré, nous prenne sous sa protection maternelle.
14. Donné au Siège de la Conférence Episcopale d’Haïti, en la fête de la Présentation de la Vierge Marie, le 21 Novembre 2003.

Ont signé ce message :
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Mgr Hubert CONSTANT OMI
Evêque de Fort-Liberté
Archevêque Nommé du Cap-Haïtien
Président de la CEH

Mgr Guire POULARD
Evêque de Jacmel
Vice-Président de la CEH

Mgr Joseph LAFONTANT
Evêque Auxiliaire de Port-au-Prince
Secrétaire Général de la CEH

Mgr Joseph Serge MIOT
Archevêque Coadjuteur de Port-au-Prince
Administrateur Apostolique « Sede Plena »

Mgr Alix VERRIER
Evêque des Cayes
Mgr Louis KEBREAU SDB
Evêque de Hinche

Mgr Willy ROMELUS
Evêque de Jérémie

Mgr Pierre-Antoine PAULO OMI
Evêque Coadjuteur de Port-de-Paix

Mgr Yves Marie PEAN CSC
Evêque des Gonaïves

Mgr Simon P. ST-HILLIEN, CSC
Evêque Auxiliaire de Port-au-Prince

Mgr Pierre A. DUMAS
Evêque Auxiliaire de Port-au-Prince

Mgr Emmanuel CONSTANT
Evêque Emérite des Gonaïves
EN MISSION
Mgr François GAYOT, SSM
Archevêque Émérite du Cap-Haïtien
Mgr Frantz COLIMON, SMM
Evêque de Port-de-Paix
EN VOYAGE POUR RAISON DE SANTE

Mgr François Wolff LIGONDE
Archevêque de Port-au-Prince